vendredi 26 janvier 2024

Tout ça pour ça ?

 

Le collectif Droit de rester est témoin depuis trop longtemps de renvois violents de personnes déboutées de l’asile ou en procédure Dublin. Ces renvois sont traumatisants, pour les personnes concernées et les témoins, et de nombreuses personnes reviennent par la suite en Suisse malgré cela, comme le montrent ces derniers cas.

 

Mai 2023, L'Auberson, renvoi violent de la famille V.

 

Le 2 mai 2023, une dizaine de policiers fait irruption au foyer EVAM de L'Auberson. Les policiers arrachent un enfant des bras de ses parents pour les contraindre à les suivre. Cette famille afghane est renvoyée en Croatie où elle avait déjà subi des violences. Traumatisée, elle parvient à revenir en Suisse en juin. Alors, on les loge à cinq dans la même pièce avec une aide d’urgence de moins de 10 francs par personne et par jour pour vivre. Quasi impossible de chercher de l’aide : l’usage des billets de train est limité aux rendez-vous médicaux et surtout à aller renouveler l’attestation d’aide d’urgence au Service de la Population (SPOP). Souvent. Là, il faut attendre pour rien pendant des heures. Il faut subir les brimades et les menaces d’une descente de police à l’aube. Encore. Les enfants en font des cauchemars toutes les nuits.

Et après de trop longs mois de ce traitement, on leur dit que c’est bon, qu’on ne les renverra plus : la famille ne sera pas renvoyée en Croatie et est actuellement en procédure d’asile fédérale. Tout ça pour ça ?

 

16 janvier 2024 : M. A., renvoyée en Espagne par vol spécial

 

Elle a 29 ans et est diplômée de l’université de Balkh en Afghanistan. Quand les Talibans ont pris le pouvoir, elle a fondé une école pour filles, mais le régime ne l’a pas laissé faire. Pour sauver sa vie, elle a dû se résoudre à fuir. Il faut franchir les mers, les montagnes et toutes ces frontières.

Alors parfois, on se retrouve avec un visa pour l’Espagne alors que son frère a un statut légal en Suisse. Et si on a le malheur de tout de même vouloir rester proche de sa famille, c’est parti comme d’habitude : arrestation matinale, violence, avion, Madrid.

Mais en Espagne, on lui dit : « débrouille-toi, bonne journée ». Elle n’a pas accès aux soins médicaux dont elle a besoin. Le canton de Vaud n’a même pas pris la peine de vérifier son état de santé avant de la renvoyer.

Alors, comme elle ne peut retourner en Afghanistan, son choix n’en est pas un. Comme la famille afghane renvoyée en mai, elle doit revenir. Espérons que le canton de Vaud saura, cette fois aussi, revenir sur sa décision et permettre à cette femme courageuse de rester dans le pays où réside son frère.

 

Et tou·te·s les autres

 

Nous n’oublions pas qu’un jeune homme, E., arrêté le 1er novembre 2023, a été maintenu en hospitalisation pénitentiaire jusqu’à être mis de force dans un avion pour Zagreb, malgré sa grande fragilité psychologique.

Nous n’oublions pas non plus ce jeune homme qui, en décembre 2023, s’est jeté par la fenêtre du centre où il était hébergé quand la police a débarqué.

Nous sommes témoins de tant de cas de renvois violents que nous ne parvenons pas toujours à dénoncer.

Mais nous n’oublions pas tou·te·s les autres.

 

L’inhumanité de ces renvois forcés devrait suffire à abolir définitivement la pratique. Mais puisque les autorités insistent, nous devons malheureusement en dénoncer aussi l’absurdité : non seulement un coût humain, mais aussi financier, écologique, pour rien : ces personnes reviennent, et reviendront. Tout ça pour ça ?

 

Nous revendiquons des conditions de vie dignes pour tou·te·s, quel que soit le statut administratif :

-   Arrêt de toutes les expulsions

-   Arrêt de la maltraitance administrative au SPOP

-   Droit au travail et à la formation

-   Droit à un logement digne

-   Droit à se déplacer et à chercher de l’aide

-   Indexation et augmentation de l’aide d’urgence et de tous les minimums vitaux

 

 

Stop deportations !


mercredi 20 décembre 2023

Permanences fin d'année

 Il n'y aura pas de permanence le 25 décembre et le 1er janvier, mais nous nous retrouvons le 8 janvier. 

take care!

mardi 7 novembre 2023

Régularisation des familles à l’aide d’urgence

 Première séance

Le 4 mai 2023, des familles à l’aide d’urgence depuis de nombreuses années sur le canton de Vaud, se sont réunies pour discuter ensemble de leur situation, et de la façon de faire valoir leur revendication à leur régularisation par l’octroi d’une autorisation de séjour au sens de l’article 14 LAsi.

Des discussions, il est ressorti :

-        L’aide d’urgence est de très longue durée pour de nombreuses de familles, qui la subissent depuis plus de 10 ans, voire même plus de 15 ans. Les enfants ont grandi à l’aide d’urgence et leur personnalité en est profondément et durablement affectée.

-        Plusieurs familles ont des enfants devenus majeurs qui ont été régularisé.es séparément. Les enfants ont un permis B et leurs parents et jeunes frères et sœurs sont toujours à l’aide d’urgence. Ces différences de statut créent de nombreuses complications dans la vie familiale, les enfants régularisé.es étant contraints par l’EVAM de vivre dans un autre appartement que celui de leurs parents, quand bien même ils seraient toujours en apprentissage, ou auraient le souhait de demeurer auprès de leur famille.

-        L’interdiction de travailler pèse très lourdement sur le moral des familles, qui ne peuvent pas entreprendre leur vie, s’approprier leurs propres moyens d’existence, ni être autonomes.

-        Les enfants scolarisés rencontrent d’importantes difficultés dans leur quotidien. Ils et elles ne peuvent pas mener la même existence que leurs copain.es de classe et cela affecte leur développement, leur vie sociale et leurs projets de vie.

-        Plusieurs familles ont exprimé l’incompréhension des personnes suisses de leur entourage, qui sont devenues leurs amis, face à la rigidité des autorités qui refusent leur régularisation alors que toutes les conditions d’intégration sont remplies (parlent le français, promesse d’embauche et nombreuses lettres de soutien), et que ces familles font partie intégrante de la vie sociale de leur lieu de vie depuis des années.

 

Parmi les témoignages recueillis au cours de la rencontre, nous partageons celui d’une adolescente qui nous a particulièrement touché.es :

« Au gymnase, je ne sais pas comment expliquer ma situation. J’ai des copines mais je ne peux rien faire avec elles et c’est presque impossible de sortir, car il faut toujours de l’argent et je n’en ai pas. Je dois inventer des excuses. Un jour après l’école, elles voulaient aller manger une glace. J’aurais énormément aimé aller avec elles. Je voulais rester avec elles, discuter et manger une glace aussi, mais je n’avais pas d’argent. Je ne savais pas comment le dire et j’ai prétexté que je devais rentrer chez moi et je suis partie. J’étais très très triste. Arrivée à la maison, je me suis effondrée en larmes et j’ai beaucoup pleuré, pendant toute la soirée. Ce que nous vivons est très dur. Nous ne sommes pas comme les autres et nous avons la honte toujours avec nous. »

Nous remercions cette jeune fille d’avoir eu le courage de prendre la parole pendant la séance, et de raconter cet épisode qui nous a sincèrement ému.es et révolté.es.

La séance a abouti à différentes propositions d’action à délibérer lors de nos prochaines rencontres. Parmi celles-ci :

-        Il faut donner un nom à notre mouvement afin de rendre nos rencontres et nos revendications identifiables ;

-        Nous devons récolter des témoignages afin de documenter le caractère arbitraire ou opaque des procédures d’examen des conditions d’intégration devant le SPOP ;

-        Nous devons récolter des témoignages afin de documenter les pressions humiliantes et anxiogènes exercées par le personnel au guichet lors des renouvellements de l’attestation d’aide d’urgence ;

-        Il faudrait préparer une lettre de revendication de notre régularisation à adresser aux personnes responsables des administrations impliquées dans l’octroi d’une autorisation de séjour, le SPOP et le SEM ;

-        Une de nos revendications pourrait être la création d’une commission indépendante pour l’examen de l’intégration, comme cela se fait à Zürich ;

-        Nous pourrions réaliser des capsules vidéo/audio de témoignages de personnes qui subissent l’aide d’urgence ;

-        Il faudrait créer un groupe de parole afin de permettre aux adolescent.e.s et aux adultes concerné.e.s par l’aide d’urgence de longue durée de se rencontrer et de discuter de leurs difficultés avec l’accompagnement d’un psychiatre ;

-        Nous pourrions préparer un genre de pétition qui permettrait aux familles de recenser les personnes de soutien autour d’elles, et de mieux connaître l’étendue du soutien sur lequel nous pourrons compter à l’avenir.

Un ordre du jour sera établi pour la prochaine séance afin de structurer les discussions, dans le but que celles-ci aboutissent à des projets concrets qui nous permettront d’avancer.

samedi 29 juillet 2023

permanences pendant l'été

 Cet été nos permanences continuent, rdv à 18h30 pile dans la grande salle de la maison de quartier sous-gare. 

Attention: lundi 31 juillet, il n'y aura pas de permanence!!

samedi 17 juin 2023

On a occupé la Cathédrale pour dénoncer les renvois et demander un moratoire urgent!

Journée des réfugié·es : il est temps de défendre leurs droits et d’arrêter de les expulser !

 Nous sommes les témoins de la violence d’État. Elle s’exerce toujours sur les plus faibles, celleux qui ont déjà tant souffert. Enfants arraché·es par la police aux bras de leurs parents, rafles avant l’aube, mépris total pour les vulnérabilités et l’état de santé des victimes : l’État de Vaud exécute lâchement les ordres de Berne et expulse avec une violence inégalée les exilé·es qui viennent demander aide et protection à l’un des Etats les plus riches du monde !

En cette période de crise mondiale, écologique, sociale, et humanitaire, tout renvoi forcé, toute violence contre les réfugié·es, constitue un crime contre la solidarité. Nous ne pouvons rester témoins, nous ne pouvons pas laisser faire.

Aujourd’hui, nous appelons à nous rassembler et à agir contre cette violence. Aujourd’hui, nous occupons la Cathédrale.

Parce que traditionnellement les églises offrent un refuge pour les exilé·es.

Parce qu’historiquement la tour de la Cathédrale et ses cloches servent à alerter la population. 

Parce que les autorités vaudoises y prêtent serment.

Nous utilisons ce lieu hautement symbolique pour appeler les autorités vaudoises à adopter un moratoire immédiat sur les renvois forcés de femmes seules, de familles avec des enfants et de personnes vulnérables.

La domination juridique du secrétariat d’État aux migrations n’excuse en rien la cruauté. Surtout quand elle s’exerce envers celleux qui n’ont pas les moyens de se défendre. Le canton de Vaud doit faire preuve de courage, et démontrer qu’une politique migratoire plus solidaire et humaine est possible.

Nous appelons la société civile, les Églises et groupes religieux de toutes confessions, les ONG et la ville de Lausanne (qui se prétend déjà ville refuge) à offrir massivement aide et soutien logistique pour protéger celleux qui fuient la guerre, la violence et la mort. Ce qui se passe est grave. Nous ne pouvons pas croiser les bras. Le faire équivaut à se rendre complice.

Aujourd’hui nous demandons un moratoire urgent sur les expulsions. Plus de 1000 personnes l’ont déjà signé. Nous appelons tou·tes celleux, légitimement inquiété·es par les pratiques égoïstes et violentes de la Suisse et du canton de Vaud, à la signer et à faire usage de tous les moyens pacifiques à leur disposition pour s’opposer aux expulsions forcées !

Informations complémentaires

Sous prétexte des accords Dublin, permettant de renvoyer des personnes demandant l’asile vers le premier pays européen où elles ont laissé une trace (accords ô combien pratiques pour la Suisse qui n’a pas d’accès à la mer), le Secrétariat d’État aux migrations mène une chasse acharnée contre les exilé·es. Après des expulsions massives vers l’Italie, combattues avec succès par le Collectif R dès 2015, c’est désormais vers la Croatie que s’exécutent de nombreux renvois.

 La Croatie n’est pas un pays sûr pour les réfugié·es. De nombreuses exactions contre les droits humains y sont commises, principalement aux frontières. Elles sont bien documentées, et le SEM ne peut pas prétendre ne pas être au courant (voir le récent rapport de Human Rights Watch du 3 mai 2023 et le rapport SOSF décembre 2022)

Nous rencontrons quotidiennement des personnes traumatisées par leur passage à la frontière croate. Nous avons recueillis de nombreux témoignages, qui font tous état de passage à tabac, de pushbacks  (= renvois de l’autre côté de la frontière, au mépris du droit d’asile), et parfois même de violences sexuelles. Les personnes qui sont actuellement en Suisse et savent être menacées de renvoi vers la Croatie vivent dans une peur permanente – qui peut durer 18 mois, temps maximal donné aux autorités pour les renvoyer. Nous voyons des situations dramatiques, de personnes fortement atteintes dans leur santé psychique. Plusieurs des personnes que nous accompagnons sont actuellement hospitalisées.

Car la situation est dramatique également dans le pays, et pas uniquement aux frontières de la Croatie. C’est la même police qui exécute les pushbacks qui patrouille ensuite dans le pays. Comment imaginer exiger des personnes traumatisées qu’elles vivent ensuite la procédure d’asile en Croatie ? La situation est tellement grave que l’ONG Médecins du monde a décidé de suspendre son action dans ce pays, estimant que la situation n’est pas assez sûre pour les demandeurs et demandeuses d’asile.

SIGNEZ NOTRE PETITION








Images: François Graf - STRATES


 Témoignages recueillis par Droit de rester Lausanne :

 témoignage de Z., renvoyée en Croatie

 « Le matin du 2 mai 2023, alors que tous les membres de la famille dormaient, j'ai soudainement sursauté lorsque j'ai entendu la porte s'ouvrir, et tout à coup j'ai vu plusieurs personnes en uniformes debout au-dessus de moi dans ma chambre, et j'ai été choquée. Et je ne portais aucun vêtement, j'ai enroulé la couverture autour de moi et j'ai commencé à crier. Ils nous ont dit avec une cruauté totale que « ce n'est pas votre pays » et « nous ne voulons pas de vous. Vous devez partir d'ici aujourd'hui. » J'ai rapidement serré mes enfants dans mes bras, mais quatre d'entre eux m'ont attrapé les mains et les pieds et m'ont séparée des enfants avec force et pression, de sorte que mon épaule et l'épaule de mon fils étaient contusionnées. Nous pleurions et suppliions. Mais ils n'y ont prêté aucune attention et ont mobilisé tout leur monde et ont menotté les mains de mon mari pour qu'il ne fasse aucun mouvement. Et ils nous ont emmenés à l'intérieur de la voiture. Et mon fils était dans un état de peur extrême et de stress tout le temps. Une fois qu'il était à l'intérieur de la voiture, il vomissait. Je n'oublierai jamais ce manque de respect, et je me plains à ces policiers impitoyables qui ont violé notre vie privée et meurtri le corps de mon fils..... »

 Ce renvoi violent, qui nous a choqués, n’est malheureusement pas le seul. 

Voici un petit aperçu de ce qui s’est passé dans le canton de Vaud ces derniers mois :

 Début octobre 2022, A. jeune afghan présentant déjà des traumatismes de son exil, se faisait arracher du lit à 5h30 du matin par la police vaudoise. Après avoir été frappé et pris ses empreintes de force, il sera incarcéré plusieurs semaines à Favra avant d’être renvoyé.

Début janvier N. est renvoyé en Espagne à peine la trêve de Noël finie. 10 policiers pour un jeune homme épuisé.

Fin mars, la police est entrée à 5h45 pour arrêter Y. Malgré son état d’extrême détresse, elle fait pression sur lui plusieurs heures, avant de déclarer être venus « par erreur ».  Y. qui a failli se suicider lors de l’intervention a échappé de peu à la mort.

Fin mars 2023, la police a forcé l’appartement de N. pour le renvoyer au Sri Lanka. A son arrivée, il est remis directement aux mains de services secrets sri lankais, ceux-là mêmes qui l’avaient torturé avant sa fuite. Jusqu’à aujourd’hui, il doit encore se présenter régulièrement à la police qui le rackète.

Mi-mars 2023, É. est renvoyé seul dans un vol spécial, à destination de la Croatie où son ami est mort sous les coups de la police.

Fin avril, la police fracasse la porte de la chambre de F., qui, écrasé par le poids de la porte sur lui, perd connaissance. Il est tout de même renvoyé en Croatie.

Début mai 2023, M., 18 mois, est arrachée des bras de sa mère, mise seule dans un fourgon pour obliger sa mère à suivre la police en Croatie.

Le même jour les trois enfants de la famille R. sont violentés pour être renvoyés en Croatie dans le même vol, entourés de dizaines de policiers. Le plus jeune, âgé de 7 ans, portait à son arrivée plusieurs marques sur le corps.

Fin mai, un couple est réveillé à l’aube par la police. Madame doit être hospitalisée en urgence suite à sa décompensation durant l’intervention… Mais les policiers essaient tout de même de renvoyer son mari seul, le transportent jusqu’à Zurich, avant de se raviser au dernier moment.

Juin 2023, des dizaines de policiers font irruption dans la chambre de J. et se jettent sur elle alors qu’elle dort. Ils s’excusent peu après, ils l’ont confondue avec sa voisine de chambre. Elle est par la suite hospitalisée.

Ressources :

témoignages de personnes passées par la Croatie, recueillis par les collectifs Droit de rester, octobre 2022 : https://drive.google.com/file/d/1PMVhRMGYKUsflZEDvZOoB8HiZx9v2e5q/view

Violences policières en Bulgarie et en Croatie : conséquences pour les transferts Dublin. Analyse juridique et revendications de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR, 13 septembre 2022 : https://www.osar.ch/fileadmin/user_upload/Publikationen/Juristische_Themenpapiere/220913_Polizeigewalt_final_FR.pdf

Rapport Human Right Watch, 03 mars 2023:

https://www.hrw.org/news/2023/05/03/croatia-ongoing-violent-border-pushbacks

Les renvois Dublin vers la Croatie doivent immédiatement cesser. Un rapport de Solidarité sans frontières, 05 décembre 2022 : https://www.sosf.ch/cms/upload/221205_Bericht_Pushbacks_FRZ_Web.pdf



jeudi 15 juin 2023

Lettre ouverte à Madame Christine Schraner Burgener, directrice du Secrétariat d’Etat aux migrations.

 Chère Madame,

Aujourd’hui 14 juin, en Suisse, c’est le jour de la grève féministe. Des milliers de femmes vont descendre dans la rue pour leur émancipation et contre l’oppression du système patriarcal. Plusieurs revendications sont au centre des différentes actions : une revalorisation financière et sociale du travail des femmes, la parité salariale, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, une meilleure possibilité de concilier la vie familiale et professionnelle, etc.

Dans un article du 10.07.2017, paru sur Swissinfo, nous avons noté que vous définissez féministe : Ja naturlich bin ich feministin[1]. Alors peut-être qu’aujourd’hui vous avez prévu de faire la grève, peut-être que vous débrayez quelques heures, peut-être vous travaillez, mais vous portez un pins du mouvement de la grève féministe ou vous êtes habillée en violet, peut-être vous allez manifester ce soir avec des collègues ou des copines. Quoi qu'il en soit, quoi que vous fassiez aujourd'hui, nous vous souhaitons : bon 14 juin 2023 !

De toute évidence, il y a mille manières de se définir féministe selon les différents principes et les divers courants de pensée. Toutefois, nous pensons qu’à la base de chaque féminisme, il y deux points fondamentaux: défendre les droits des femmes et le principe de sororité. En tant que féministes, nous ne nous battons pas uniquement pour nos droits à faire carrière, mais pour abolir toutes les discriminations qui nous touchent personnellement et qui touchent toutes les autres femmes.

Ainsi, puisque vous vous dites féministe, nous tenons aujourd’hui à vous rappeler comment votre institution, le Secrétariat d’État aux migrations, dont vous êtes la directrice, traite les femmes comme vous et comme nous. Des femmes, qui ont dû fuir leur pays d’origine pour survivre et/ou pour protéger leurs enfants. Des femmes qui pendant leur parcours migratoire, dans leur pays d’origine, pendant le voyage, ou ici en Suisse, ont subi des violences sexistes et sexuelles, des abus et des viols.

Ci-dessous vous trouvez quelques extraits anonymisés illustrant comment votre institution traite les viols et les femmes qui ont subis des violences sexuelles.





Aujourd’hui, puisque vous êtes féministe, faites preuve d’imagination et essayez de répondre à ces questions :

  • imaginez-vous être à la place de la femme qui a subi le viol et demandez-vous comment elle va; 
  • imaginez-vous comment elle se sent en lisant ces décisions.imaginez rencontrer cette femme, et lui expliquer en la regardant dans les yeux, que le viol qu’elle a subi n’est pas prouvé, qu’on ne la croit pas, que ses récits ne sont pas crédibles, car sa parole ne compte pas; 
  • imaginez être féministe, être solidaire avec cette femme et lui dire : oui je vous crois ! 

Remettre en doute le viol, culpabiliser une femme ou une personne queer parce qu’elle n’a pas fait les démarches nécessaires pour attester des abus, ne pas croire ses récits : c’est reproduire la même violence, c’est la violer une deuxième fois, c’est de la maltraitance. En 2023, sans être psychologue, presque toute le monde sait qu'une femme ou une personne queer peut avoir d’immenses difficultés à raconter un viol, qu'elle est traumatisée, qu’elle peut être dissociée en racontant ce qu’elle a vécu, qu’elle peut éprouver de la honte, un dégout de son propre corps, qu'elle se sent coupable, qu’elle a besoin de reconnaissance et de soutien spécifique et surtout qu’elle a besoin d’être crue.

Vous, en tant que féministe, vous pourriez donner une empreinte féministe à votre institution : 

  • vous pourriez reconnaître tout de suite les violences faites aux femmes vulnérables et aux personnes queers, reconnaître les violences sexistes et sexuelles et LGBTIQA*-phobes, en tant que telles et accorder l’asile aux personnes qui viennent chercher protection sous ce motif ; 
  • vous pourriez faire suivre des formations spécifiques à tou·tes vos employé·es sur les violences sexuelles, afin que les extraits effroyables cités plus haut soient bannis de vos décisions administratives ;  
  • vous pourriez vous assurer que les victimes de violences sexistes et sexuelles dans le domaine de l’asile aient accès tout de suite après leur arrivée en Suisse à des services spécialisés et à des prestations d’aide aux victimes ; 
  • vous pourriez faire en sorte de garantir un soutien matériel, sanitaire et juridique suffisant, indépendamment du fait que la violence ait eu lieu en Suisse ou non, dès l’arrivée des personnes concernées au centre fédéral ; 
  • enfin, vous pourriez veiller à la création d’espaces safe dans les centres fédéraux pour les femmes et les personnes queers, afin qu’elles se sentent en sécurité. 

Alors, en ce jour spécial et historique pour toutes les femmes en Suisse, nous aimerions que vous puissiez à nouveau dire : Ja natürlich bin ich feministin et que nous puissions vous croire. 

 Bon 14 juin 2023 ! 

 

Droit de Rester Lausanne

Droit de Rester Fribourg

Collettivo R-esistiamo

Collettivo Io L’8 ogni giorno

Droit de Rester Neuchâtel

Solidarité Tattes

Collectif de la Grève féministe VAUD

 

 






[1] https://www.swissinfo.ch/ger/politik/150-jahre-schweizer-vertretung-in-berlin_-

 

mercredi 7 juin 2023

Aide d’urgence : "mes filles doivent tout le temps changer d’école"

 13 juillet 2022      Témoignage de Manoushka, invitée à Lausanne pour parler de sa condition de requérante d’asile déboutée, contrainte de vivre à l’aide d’urgence depuis plusieurs années avec sa famille.    

On nous met toujours dans un autre centre et mes filles doivent toujours changer d’école. Elles s’attachent à leurs copines de classe et à leurs professeures mais elles doivent changer d’école. C’est éprouvant et notre vie est instable. On nous met loin de la ville, il n’y a pas de transports… Le dernier bus est très tôt l’après-midi. On n’a pas de contacts avec les gens de la ville et notre vie est vide. On n’a pas de vie. Ça fait sept ans que c’est comme ça. On nous a mis dans une chambre, toute la famille. Les enfants sont toujours avec nous. Mon mari et moi, nous n'avons pas d’intimité. On ne peut pas parler parce que les filles nous entendent. Ces centres nous épuisent. Nous recevons 182 frs par semaine pour 4 personnes. Ça ne suffit pas pour manger ni pour vivre. On a fait des manifestations, mais personne ne nous entend. Je suis déprimée. Ma vie n’a pas d’issue, je ne peux pas vivre normalement, je ne peux pas grandir mes enfants normalement. Mon mari et moi nous n’avons pas de droit de suivre une formation. Nous voulons vivre comme les autres familles, avec un appartement et un travail.